André Cottavoz est né le 22 juillet 1922 à St Marcellin dans l’Isère, premier enfant de la toute jeune Marguerite (elle a tout juste 18 ans) et de son mari Paul Cottavoz. André surnommé « Doudou » par sa grand’mère (diminutif qu’il assumera sa vie durant) manifeste sa passion pour la peinture dès l’adolescence. En effet il a quatorze ans lorsque sa mère le surprend en train de copier un paysage de « l’Illustration ». Elle-même pratiquant l’aquarelle, elle l’encourage dans cette voie, lui achète des couleurs et l’emmène peindre avec elle dans la nature.
Elle lui donne un conseil qu’il n’oubliera jamais : « Peins ce que tu aimes, un pont, un arbre, un reflet sur l’eau et oublie le reste. » Il profite également des conseils de Michel Gaudet, ami de Renoir résident dans la région et se rend régulièrement « sur le motif » en sa compagnie, au grand dan de son père opposé à une future carrière d’artiste.
A 18 ans, contre l’avis de son père mais soutenu par sa mère, il s’inscrit au Beaux Arts de Lyon afin d’y poursuivre son apprentissage. Il est très vite déçu par l’enseignement académique et sclérosé des « dignes professeurs » (on interdisait de prononcer le nom de Cézanne), ne comprend pas pourquoi avant de peindre un nu il lui aurait fallu en dessiner le squelette et se fait exclure d’un atelier le jour où il arrive en exhibant une reproduction de Van Gogh en qui il reconnaît un Maître. Son assiduité sera néanmoins récompensée par une mention pour « la quantité de travail exécutée » !
En 1942 il est contraint de passer deux années au STO (Service du Travail Obligatoire) en Autriche. Là-bas il continue à peindre et à dessiner. Il rencontre un jeune artiste humoriste talentueux, Paul Philibert Charrin. Ce dernier le reconnaît d’emblée comme un maître et lui voue une admiration qui, aux dires de Fréderic Dard , se révélera dommageable à sa propre carrière d’humoriste. Ils organisent ensemble des expositions de leurs œuvres. Celles-ci, malheureusement, seront détruites ou perdues.
A son retour du STO, il accumule études, dessins et peintures. Il sait qu’il ne peut pas échapper à sa destinée : il est peintre. Cependant sans ressources, vivant d’expédients mais toujours soutenu par sa mère, il « monte » à Paris pour suivre les cours de l’Ecole d’Art de la ville de Paris en vue d’obtenir un diplôme de professeur de dessin. Son tempérament passionné, sa manière de concevoir l’art pictural au plus près de l’émotion s’accommode mal des exigences académiques de l’école et il échoue à obtenir un diplôme qui aurait pu lui assurer un revenu régulier. Parallèlement il suit les cours de la Grande Chaumière où il lui est reproché de « faire du Cottavoz ».
En 1946 il expose une vue de Paris au salon de la jeune peinture : La place d’Ivry qui lui vaut d’être reconnu peintre figuratif dans la lignée de Bonnard La même année se tient le premier salon de la non figuration, appelé « les Réalités Nouvelles ». A l’époque, être qualifié de peintre « bonnardisant » constitue un véritable désaveu car l’heure n’est pas à la peinture figurative. Cependant fidèle à lui-même Cottavoz refuse toute mode et étiquette et s’obstine dans sa manière de peindre « au plus près de mon émotion » confiera-t-il plus tard à Jacques Zeitoun.
De retour à Lyon il rencontre Simone qui l’accueille dans sa grande maison de St Foy-les-Lyons où il va disposer d’un atelier. Simone deviendra sa première épouse.
En 1948 avec les amis des Beaux-Arts (Fusaro, Truphémus, Adilon, Charrin et d’autres…) le groupe organise à la Chapelle du lycée Ampère de Lyon une première exposition des « sansistes » (terme par lequel ils manifestent leur refus de porter une étiquette : impressionnisme, fauvisme, cubisme, futurisme etc…). Lyon leur réserve un accueil mitigé et s’ils commencent à se faire connaître dans la région, c’est véritablement l’Ecole de Paris qui va soutenir le mouvement et, grâce aux rencontres qui vont en découler, permettre aux jeunes artistes d’approcher galeries et amateurs d’art.
Poursuivant sa lancée, en 1949 André obtient une bourse au Prix National de Peinture qui le confirme dans sa démarche. Il est remarqué et conseillé par le peintre Garbell installé à Mirmande qu’il considèrera longtemps comme son maître en peinture.
A partir des années 50 il effectue ses premiers séjours à Vallauris où il loue un atelier au 13 de la rue Sicard. Il réalise des petits travaux alimentaires chez le céramiste Gilbert Valentin chez qui il rencontre Picasso et Françoise Gilot. Osant soumettre une de ses toiles à l’appréciation du maître, Picasso déclare : « Je ne sais pas si c’est bon ou mauvais mais ça m’intéresse ! »
En 1950 : André Cottavoz obtient un prix à la Biennale de Menton. En 1952, il présente ses toiles à la galerie Art Vivant boulevard Raspail à Paris et se lie d’amitié avec Raymond Cogniat et Georges Besson, respectivement directeur du journal « Art » et critique d’art dans divers journeaux. En 1953 il reçoit le premier prix Fénéon qui le révèle au grand public et contribue à sa notoriété à l’étranger, notamment aux Etats-Unis et au Japon pour l’œuvre gravée. Ses relations avec les peintres Garbell, Lanskoy, Saboureau et Tereskovitch facilitent son introduction dans le cercle des galeries d’art parisiennes. Il signe son premier contrat avec la galerie Art Vivant, ardemment soutenu par l’indéfectible Jacques Zeitoun, qui en est le directeur artistique.
De 1953 à 1961, les paysages du lyonnais, du Midi de la France, de l’Italie (Gênes, Vicchio, Florence), d’Ostende, Anvers… alternent avec les nues, les natures mortes, les portraits de parents et amis…
Sa rencontre avec l’amateur japonais Kiyoshi Taménaga en 1957 sera déterminante pour la suite de sa carrière. En 1960 en effet Taménaga ouvre sa première galerie au Japon, précédant de quelques années celle de Paris, avenue Matignon.
En 1961, frappé par les paysages de collines incendiées dans le Sud de la France, Cottavoz réalise une série de toiles sur le thème des Forêts Brûlées « sans doute les peintures à l’accent le plus tragique de toute son œuvre » .
A partir de 1962 se produit un tournant dans la vie de Cottavoz. Suite à une mésentente conjugale il quitte St Foy-les-Lyon et s’installe dans son atelier de la rue Sicard à Vallauris. Mais quitter Lyon c’est aussi quitter le cercle des amis peintres, des amateurs, c’est également s’abstraire des rivalités entre artistes préoccupés à se faire une place dans le monde de l’Art. Il s’ensuit un isolement nécessaire au maintien de sa manière de concevoir la peinture à une époque ou l’art abstrait a la faveur des médias, des galeries et des amateurs.
Il s’engage également à quitter la galerie Art Vivant qui ne lui apporte plus le soutien dont il a besoin.
A Vallauris il se lie d’amitié avec le céramiste Roger Collet. Leur estime réciproque favorise une association ponctuelle ou la pureté des formes des pièces de Collet valorise le trait spontané du graphisme de Cottavoz qui met en scène la plage, le soleil, les nus, les danses plus ou moins érotiques décorant certaines des œuvres de Collet, fruits de leur collaboration.
Au cours de l’été 1963 il rencontre Muriel, de 21 ans sa cadette, qui sera sa seconde épouse et la mère de son fils. Après un court séjour aux Baux de Provence ils s’installent « villa les roses » sur la colline de Golfe-Juan. Dans son atelier de la rue Sicard « Doudou » travaille assidûment sur de grandes compositions de la plaine des Baux, des baigneurs sur la plage, des Paris …
Il accorde un répit à son activité créatrice en s’autorisant quelques heures de détente sur le pointu de pêcheur acheté à un vieux marin de Golfe-Juan. Amateur des Arts Martiaux, il découvre le karaté sous l’égide du maître Mushisuki, un art auquel il va s’adonner vingt ans durant, lui permettant de libérer la violence interne accumulée lors de son combat pictural solitaire avec la toile.
Le travail acharné, les pique-niques sur le pointu, le karaté, un nouveau cercle d’amis et d’admirateurs structurent sa nouvelle vie sur la Côte d’Azur entrecoupée de voyages et de séjours parisiens pendant lesquels il fréquente l’atelier de lithographies Mourlot. Il y réalise de nombreuses lithographies en noir et en couleur, notamment la série illustrant Le dialogue de l’arbre de Paul Valéry édité par Robert Turbot, un architecte cannois « fou » de la peinture de Cottavoz dont l’admiration, les fréquentes visites à l’atelier ne furent pas sans le conforter dans son art lors de son installation à Vallauris.
En 1964 Cottavoz signe un contrat exclusif avec la galerie Kriegel né de l’association de trois industriels amateurs de peinture : Roblin, Mendelovici, Sapiro.
En 1965 a lieu la première exposition chez Kriegel où il livre, contre la tendance abstraite du moment, ses interprétations rageusement figuratives de la plaine des Baux, de Venise, de Paris…
Plusieurs voyages renouvellent son inspiration, en 1967 il expose Picadilly Circus, les Familles et en 1969, après la naissance de son fils Florent, une exposition sur le thème des Maternité suscite de la part d’un critique « avant-gardiste » cette interrogation : « Comment à la fin du 20è siècle peut-on encore peindre un tel sujet ? »
Peu après Cottavoz quitte son ancien atelier de la rue Sicard pour une maison située à flanc de colline construite par Robert Turbot et comportant un atelier d’où l’on aperçoit la baie de Golfe-Juan. « Entre les découvertes de thèmes nouveaux ou renouvelés, ce paysage classique entre tous est un élément qu’on retrouve souvent dans ses œuvres, variant au gré des saisons et de la lumière ».
En 1976 Muriel quitte le domicile conjugal. Le divorce est prononcé en 1977.
Cependant Cottavoz et sa seconde épouse restent en contact amical jusqu’en 1992, date de son troisième mariage.
Taménaga suit toujours attentivement la carrière du maître. Il organise en 1972 une exposition Cottavoz dans sa galerie de Tokyo.
En 1979 les associés de la galerie Kriegel se séparent.
En 1980 Madame Jansen de la galerie Matignon, accueille les œuvres de Cottavoz. En 1987, l’exposition sur le thème de Venise est reprise à Tokyo chez Taménaga, date du premier voyage de Cottavoz au Japon. Une année plus tôt eut lieu à La Tour d’Argent de Tokyo l’inauguration de l’accrochage d’une grande toile de Cottavoz représentant Notre Dame de Paris.
Dès la fin des années 80, Cottavoz accorde à la galerie Taménaga l’exclusivité de la vente de ses toiles et l’on peut dire qu’à partir de cette période et jusqu’à sa mort en 2012, la presque totalité des œuvres de Cottavoz se trouvent au Japon. Lors d’un deuxième voyage à Tokyo Taménaga commande à l’artiste une représentation du Fuji-Yama, figure sacrée entre toutes. Pour ce faire, il met un atelier à sa disposition.
L’ouvrage achevé, Taménaga n’hésite pas à faire démolir la toiture afin de prendre possession de sa toile !
En 1990 Cottavoz rencontre Hélène, sa troisième épouse qui jusqu’à la disparition du peintre le 8 juillet 2012 partage sa vie dans sa maison de Vallauris à flanc de colline. Elle l’accompagne au Japon, à Bali, au Maroc, à Hong Kong etc . autant de sites qui renouvellent non seulement son inspiration mais où l’on assiste à une sorte de libération de la tension, une apothéose picturale synthétisant la justesse du regard allié à l’émotion et à la puissance du geste.
Citoyen discret de la ville de Vallauris depuis près de 50 ans, c’est en 2005 que la municipalité offre à ce peintre depuis des années reconnu au niveau international, Chevalier au titre des Arts et des Lettres, une importante rétrospective de ses oeuvres au Musée Magnelli de la ville.